Emblématique technicien en travaux pratiques du Département de photographie du Cégep de Matane, où il aura travaillé pendant près de 40 ans, Louis Ruelland a décidé de prendre sa retraite, après avoir accompagné plusieurs générations d’étudiantes et d’étudiants dans un domaine confronté à des mutations considérables. Il est revenu, dans une entrevue, sur son passage au sein de l’établissement, dont il est lui-même sorti diplômé en 1980.
Une passion de longue date pour la photographie
« Un Praktica LTL! » : à l’évocation de son premier appareil photo, de marque allemande, Louis se souvient qu’avant même de débuter ses études au Cégep de Matane, il avait passé son enfance à s’évader dans la lecture de revues animalières et autres magazines de voyage. Intéressé très tôt par la possibilité de rendre compte de la réalité en images, il lui est arrivé de s’amuser avec sa propre chambre noire artisanale, mais aussi de photographier diverses manifestations syndicales devant le Parlement de Québec, dans la région où il a grandi, avant de prendre la route du Bas-Saint-Laurent, où il arrivait à sa famille de passer ses vacances. « Je pensais venir à Matane pour trois ans. J’y serai resté toute ma vie! », commente-t-il, lorsque lui reviennent en mémoire ses années d’études.
Une expérience marquante dans le domaine des médias
Pour son projet de finissant, Louis s’est orienté vers la coréalisation, avec une caméra 16 mm, d’un reportage à caractère humain, le premier d’une longue série. « Ce qui m’attirait, c’était de raconter une histoire, le contact avec les gens ». De son passage dans le monde du journalisme, de la télévision et du documentaire, il retire une pelletée bien garnie d’expériences inoubliables comme son tête-à-tête avec un troupeau de bœufs musqués dans le Grand-Nord ou encore sa visite du Rocher aux oiseaux, au large des Îles-de-la-Madeleine, dont il avait lu, dans son enfance, des portraits des gardiens du phare. Il aura d’ailleurs pu rencontrer l’un d’eux, par l’un de ces nombreux hasards qui auront guidé sa vie.
« Je dois énormément à Vic Pelletier, un mentor et un ami, avec qui j’ai partagé de nombreux voyages à travers le Québec. Il aura été l’une des figures marquantes de ma vie », relate le retraité de fraîche date, qui évoque aussi des rencontres mémorables comme celle, sur un coin de table, avec le ministre de l’Agriculture Jean Garon, du Gouvernement Lévesque, ou celle avec Taamusi Qumaq, au Nunavik, figure de proue de la culture inuite. Parallèlement à ces mandats, comme monteur, cadreur, accessoiriste, photographe ou encore vidéaste, dès 1984, Louis a exercé plusieurs remplacements au Cégep de Matane, comme technicien en travaux pratiques, avant d’y travailler à temps plein à partir de 1990.
Une implication collégiale sur plusieurs fronts
Au cœur du Département de photographie, il aura participé aux bouleversements successifs ayant accompagné l’évolution du domaine au fil des ans : la bascule vers le numérique, avec tout le travail de veille et de formation exigé par les révolutions constantes du milieu, l’aménagement du grand studio de photographie en 2008, les mises à jour régulières du contenu du programme ou encore l’actualisation des équipements.
« C’est devenu de plus en plus essoufflant de suivre le rythme. Le secteur de la photo a beaucoup évolué ces dernières années. Une certaine lenteur dans le regard, une économie des images, dont nous ménagions la production pour des raisons financières, a cédé le pas à une approche parfois plus effrénée », confie-t-il, en ajoutant que la révolution de l’intelligence artificielle et la génération automatique de fausses images le laissaient relativement inquiet.
En dehors de son travail en photographie, Louis aura aussi multiplié ses engagements dans plusieurs comités du cégep : la Commission des études, le comité santé et sécurité, le comité environnemental et d’autres comités de relance et de développement. « J’ai essayé de m’impliquer dans la mesure de mon temps et de mes moyens. Aujourd’hui, je me retire avec le sentiment du devoir accompli, ayant toujours tenté de miser sur le dialogue », explique-t-il, à l’évocation de ses 10 ans d’implication pour le syndicat du personnel de soutien. Au sein de ce dernier, il se sera battu sans avoir à déployer ses habiletés en Shaolin Kung-Fu, l’une de ses nombreuses passions, qui l’aura mené jusqu’au 3e dan de la ceinture noire, mais non sans avoir élevé la voix lorsqu’il le jugeait nécessaire.
Un touche-à-tout aux talents multiples
« Être passionné, s’investir dans ce qu’on aime, faire preuve d’ouverture et de curiosité, c’est essentiel dans la vie », résume-t-il avec l’aura d’un maître de sagesse. Les passions? Il les aura cultivées toute sa vie, n’hésitant pas à sortir de sa zone de confort, en s’initiant par exemple à l’escalade sur glace pour mieux lutter contre son vertige. Sculpteur, dessinateur, illustrateur pour des revues à caractère scientifique, patenteux en tout genre, Louis n’est pas dépourvu de centres d’intérêt. Violoniste depuis 1978, notamment touché par la musique celtique, adepte de kick-boxing, amoureux des chevaux, concepteur de maquettes de bateau pour la promenade des Capitaines de Matane, il n’aura pas manqué d’occasions de pouvoir se recentrer à travers ses passions.
Il espère que sa retraite lui permettra de consacrer plus de temps aux arts plastiques. Deux fois grand-père, il compte aussi rendre visite à ses enfants et petits-enfants à Québec et envisage de voyager peut-être en Europe. La Direction et l’ensemble de la communauté collégiale lui souhaitent tout le meilleur dans cette nouvelle étape de sa vie et le remercient pour ces nombreuses années consacrées à l’évolution du Département de photographie. Plusieurs générations d’étudiantes et d’étudiants auront pu compter sur son aide pour la résolution d’une foule de problèmes techniques, d’appareils à réparer, d’impressions à finaliser en catastrophe, d’images à coller pour une exposition. De quoi faire honneur, jusqu’au bout, à son statut de membre du personnel de soutien, ayant dépanné des centaines de personnes au cours de sa carrière, avec calme et patience, diligence et ingéniosité.